Origine du Lëtzebuergesch et sa situation linguistique actuelle

Publié le par Clausse Frantz

Le luxembourgeois (Lëtzebuergesch en luxembourgeois, Luxemburgisch en allemand) est une langue du groupe germanique occidental au même titre que l'allemand et le néerlandais. C'est une des nombreuses variantes locales du moyen-francique. Certaines classifications le rattachent au francique mosellan (Moselfränkisch en allemand). Avec le francique ripuaire et le francique rhénan, le francique mosellan constitue l'aile occidentale du groupe des dialectes moyen-allemand. Bien que germanique, cette langue n'est donc pas « de l'allemand » (l'allemand standard ayant été constitué sur la base des dialectes haut-allemands) : elle a ses particularités propres, tant au niveau du vocabulaire qu'à celui de la syntaxe. De plus, il a largement subi l'effet d'un superstrat roman : environ 5 000 mots d'origine française ont été intégrés au luxembourgeois.

La limite orientale du domaine dialectal luxembourgeois est l'isoglosse op/of (mutation consonantique en finale qui sépare le francique luxembourgeois du francique mosellan). Au sud et à l'ouest le luxembourgeois est voisin de parlers romans (lorrain et wallon).

On estime que 300 000 personnes de par le monde parlent cette langue, dont 250 000 au Luxembourg même. Son aire de pratique s'étend, outre sur l'ensemble du Grand-Duché de Luxembourg, sur les communes belges limitrophes depuis Tintange jusqu'à Athus, avec la ville largement francisée d'Arlon (où la variante locale est appelée arlonais ou areler en luxembourgeois). En France, il était langue vernaculaire dans une grande partie de l'actuel département de la Moselle (57) autour de Thionville (Diddenuewen en luxembourgeois), Cattenom et Sierck-les-Bains. Cette particularité valut à ses habitants d'être annexés à l'Empire allemand de 1871 à 1919 en même temps que les deux départements alsaciens du Haut et du Bas-Rhin. Le luxembourgeois est aussi parlé en Allemagne, dans les arrondissements de Bitburg et de Daun, ainsi que dans une partie de la vallée de la Moselle.

Si, dans les pays francophones limitrophes du Grand-Duché, il a été honni et banni suite à la politique linguistique française, aux deux guerres mondiales du XXième siècle et à l'annexion de l'Alsace-Lorraine comme territoire d'Empire, il a en revanche été au Luxembourg un ciment national, un moyen d'identification et de résistance. Il suffit de penser à la devise nationale, gravée au fronton de la Maison Communale d'Esch-sur-Alzette (Esch-Uelzecht en luxembourgeois) : Mir welle bleiwen wat mer sinn (« Nous voulons rester ce que nous sommes »). Cette même phrase peut également être trouvée sur une façade de la Vieille-Ville de Luxembourg-Ville, rue de la Loge. On peut cependant remarquer que la graphie diffère légèrement : « Mir wölle bleiwe wat mir sin ».

Historique de la situation linguistique au Luxembourg : La spécificité linguistique du Luxembourg remonte au Moyen-Âge. 

963:

Le nom de Lützenburg (qui deviendra Luxembourg au XIXième siècle) provient d'un petit château fort édifiée par le comte Sigfroid et visible encore aujourd'hui en ruine sur le rocher du Bock: Lucilienburhuc en germanique ancien signifie « petit château ». Le territoire fait partie du Saint Empire romain germanique et où à l'époque on parle le haut allemand.

1364:

Sous l'effet de la politique d'expansion des comtes de Luxembourg et une série de conquêtes au nord et à l'ouest, le territoire se compose de deux grands quartiers où on parle des dialectes différents : le wallon dans la partie francophone et le dialecte luxembourgeois dans la partie germanophone. Les langues de l'écrit et de l'administration sont respectivement le français et l'allemand, dans leur formes anciennes. Pendant cette période le pays connaît donc un bilinguisme juxtaposé (Gilbert Trausch): ce ne sont pas le mêmes personnes qui parlent les deux langues. La ville de Luxembourg, située dans le quartier germanophone, échappe cependant à la logique implacable d'une répartition juxtaposée des langues, puisque c'est le français que l'administration choisit d'utiliser.

1684

Sous la première occupation française par Louis XIV, l'utilisation de l'allemand est peu à peu bannie. Un siècle plus tard, sous l'impact de la révolution française, le français gagne encore du terrain de façon durable en pénétrant les administrations locales de la zone germanique. Le code Napoléon est introduit en 1804. Le luxembourgeois demeure la langue parlée de tous dans la vie quotidienne.

1839

Lors de la grande conférence de Londres, les grandes puissances accordent l'indépendance au Grand-Duché et effectuent le partage des quartiers. Réduit à sa superficie actuelle (2586 km2), le nouveau territoire se situe totalement en zone germanophone. La langue allemand aurait pu menacer de faire définitivement table rase de la présence française. Mais l'absence de soutien de Guillaume II, roi des Pays-Bas  et grand-duc de Luxembourg, aux fonctionnaires allemands permet aux influents notables luxembourgeois d'imposer le français comme langue de l'administration, de la justice et de la vie politique.

1843

Sous l'impulsion de l'industrialisation du pays, la population connaît  de profondes mutations : Allemands et Italiens immigrent massivement tandis que de nombreux luxembourgeois s'expatrient en France et aux État-Unis. le positionnement linguistique devient acte politique. En effet, pour se protéger de la Confédération germanique et se protéger d'une tentative de germanisation par les nationalistes, une loi décisive est voté : le français est désormais une branche obligatoire de l'enseignement, au même titre que l'allemand. L'apprentissage du français est introduit dès le niveau primaire, dont le programme linguistique sera définitivement arrêté par la réforme scolaire de 1972.

1941

L'identification nationale au travers de la langue se manifeste à nouveau lorsque la population luxembourgeoise transforme un recensement, organisé par l'occupant allemand, e, un référendum par lequel elle revendique le luxembourgeois comme son unique langue maternelle. Après la guerre, fort de son émancipation comme langue de la résistance le statut du luxembourgeois n'est plus menacé. 

1960

Après le traité de Rome et l'ouverture des frontières, de nouvelles vagues d'immigrations au Luxembourg amorcent une modification de l'utilisation des langues. Ces communautés sont pou trois-quarts des pays latins et ont ainsi recourt au français comme langue de communication avec les Luxembourgeois. L'utilisation du français, symbole de l'ancienne bourgeoisie se démocratise tandis que le luxembourgeois s'affranchit par l'intégration des nouvelles générations dans la système éducatif national. Il faut cependant préciser qu'à cette époque le luxembourgeois ne fut pas appris à l'école, ce fut le contact entre les enfants luxembourgeois et les enfants étrangers qui fait véhiculer la langue luxembourgeois.

1984

la loi sur le régime des langues promeut le luxembourgeois au rang de langue nationale du Grand-Duché. Cette loi stipule pour la première fois que lorsqu'une requête publique est rédigée en luxembourgeois, en français ou en allemand, l'administration doit se servir, dans la mesure du possible, pour sa réponse de la langue choisie par le requérant. La nuance limitative vise de toute évidence le luxembourgeois : il n'en demeure pas moins que la loi de 1984 fait entrer la langue luxembourgeoise dans l'administration. Puis en 1989, la reconnaissance du luxembourgeois au niveau européen par le programme « Lingua » constitue une nouvelle promotion, une confirmation de la résurgence socioculturelle du luxembourgeois par rapport au français et à l'allemand observée depuis les années 1970.  

En 2002 le Luxembourg compte près de 494 000 habitants. En 30 ans, la population de résidence s'est accrue de quelque 120 000 personnes. En comparaison avec des pays voisins ou proches, cette croissance démographique est plutôt exceptionnelle. Le point saillant de la croissance démographique est la place prépondérante prise par l'immigration. Les seuls nationaux voient leurs effectifs stagner et sans les options et naturalisations ils auraient même diminué. En moyenne annuelle, le solde migratoire au Luxembourg était de plus de 10‰ au cours de la décennie 1990-2000, alors que dans l'Europe des 15 le chiffre correspondant était d'environ 2.3‰.

Depuis 1983, l'emploi intérieur n'a fait qu'augmenter, surtout en raison d'un apport considérable de travailleurs frontaliers qui occupent plus de 40% des postes au Luxembourg. Le chômage, resté longtemps marginal avec des taux en dessous de 3%, a connu une forte progression depuis le deuxième semestre de 2002. Le taux de chômage a dépassé les 4% en 2004.

 

Des usages officialisés sans langue officielle

Comme aucune langue ne possède le statut de langue officiel, le français, l'allemand et le luxembourgeois sont présent partout et à des degrés différents. Les actes législatifs sont rédigés en français. En revanche, le français parlé a peu à peu disparu de l'enceinte du Parlement, même si, parfois, il est encore préféré au luxembourgeois par les ministres lors de leurs grandes déclarations. Il est un fait qu'aujourd'hui de plus en plus les débats réguliers se font en luxembourgeois.
Il faut savoir qu'en matière administrative et judiciaire, selon la loi de février 1984, « il peut être fait usage des langues française, allemande ou luxembourgeoise ».
Le fonctionnement de l'administration de l'État luxembourgeois repose sur un solide équilibre, celui qui privilégie le français comme langue écrite et le luxembourgeois comme langue orale.
Depuis les années d'immigration massive, l'âge de l'obligation scolaire a été avancé à quatre ans, alors qu'il était de cinq ans auparavant. Cette initiative, visant essentiellement à exposer les enfants de l'immigration le plus tôt possible à la langue luxembourgeoise, a été complétée par le dispositif de l'éducation précoce qui accueille désormais les enfants dès l'âge de trois ans.
Au cours de l'éducation précoce et durant les deux années obligatoires de l'enseignement préscolaire les enseignants parlent autant que possible le luxembourgeois avec leurs élèves. La préoccupation première est de développer les capacités langagières de tous les enfants, et en particulier des jeunes d'origine étrangère pour qui l'école est souvent le premier lieu d'exposition à la langue luxembourgeoise.
Les classes du primaire introduisent les langues secondes. A l'âge de six ans, les enfants apprennent à lire et à écrire en allemand. L'année suivante, ils commencent l'apprentissage du français. La langue véhiculaire de l'enseignement primaire est l'allemand. Cependant, selon la composition des classes (importante proportion d'enfants nés de familles immigrées), les enseignants sont parfois amenés à alterner l'allemand avec le luxembourgeois et le français.
En 1991, des cours en portugais et en italien ont été introduits dans les écoles communales. Depuis, ces cours, parallèles au programme officiel, ont été remplacés par des cours intégrés en langue maternelle dans l'enseignement primaire. Ils donnent aux enfants l'occasion de développer leur langue maternelle tout en gardant le contact avec leur culture d'origine. Il s'agit de matières figurant au programme officiel enseignées en italien ou en portugais, à raison de deux leçons par semaine.
Au cours des premières années de l'enseignement secondaire, la plupart des matières sont étudiées en allemand. Puis la langue véhiculaire pour toutes les matières autres que les cours de langue, devient le français dans l'enseignement secondaire classique, tandis que l'allemand demeure prédominant en section technique.

Quelles langues pour l'État?

Quelles langues pour l'école?

Quelles langues au quotidien?


 

 



Publié dans Mémoire

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